Le blog de Bruno

    Pour reprendre le fil depuis la fête des plantes de juin... l'exposition de roses anciennes a été installée dans une salle d'un magasin bio à Aiguilhe (prononcer aiguille), pendant une semaine.

Le Bruno devait remplacer la gente parfumée lorsque l'outrage du temps les avait défraîchies (très rapidement à cause de la chaleur cette semaine-là).

Tous les trois jours je passais ainsi une matinée entière à repérer ces dames dans la roseraie pour refaire les bouquets, ce qui m'a permis de me familiariser avec elles en mémoriser leur nom et leur place.

Parfois poétiques (Petite Renoncule Violette, Cuisse de Nymphe...), ou pleins de noblesse (Ghislaine de Féligonde, Yolande d'Aragon...), la plupart de ces rosiers anciens retrouvés dans un jardin, un cimetière... n'ont pu être identifiés et sont affublés d'un code aussi agressif que leurs aiguillons : D35, H1... ou G8 !

La floraison a duré environ troise semaines pendant lesquelles la roseraie, avec sa centaine de sujets, a embaumé le jardin.

Comme je la trouve belle, je la partage...

Les Jardins Fruités ont un goût de fruit défendu avec la météo grincheuse qui regimbe au seuil de mai et me défend l'accès au jardin en rendant la terre amoureuse comme un caramel dans une dent creuse. Sans compter l'humidité ambiante et celle à l'affût sur les rosiers, qui n'attend que de me baba-au-rhumiser à l'eau céleste.

Une ondée orageuse aux accents de déluge m'a même chassé du paradis mercredi dernier. J'ai juste eu le temps de prendre mes cliques et mes claques et de rentrer dare-dare. J'en ai même oublié Eve sous un pommier tandis que l'eau serpentait entre ses pieds..

Imbibé, c'est ainsi que je rentre au foyer quand j'ai osé défier dame Météeau. Mais le plaisir est aussi simple qu'immense lorsque je range mes os au sec dans la douce chaleur de ma chambre.

Mais heureusement les saints de glace ont l'air de retourner enfin à leur Pôle et aujourd'hui déjà je pouvais enfin travailler dans des conditions acceptables... et les premières roses éclosent et lachent leur parfum...

Je reviens encore à mon week-end Orléanais.

Un court extrait d'un livre de Stig Dagerman reproduit sur un mur du café littéraire "Autour de la Terre" me semble précieux pour tous ceux et celles à qui l'on demande de rendre compte de résultats, de performances. Qu'elles soient physiques, intellectuelles, émotionnelles, créatrices, relationnelles, sexuelles, sociales, etc. elles ne représentent rien si elles sont le fait de la pression omniprésente exercée par le système qui nous prend pour des machines en nous rappelant que nous sommes des humains dont l'existence se mesure à nos performances de robots.


« Je soulève donc de mes épaules le fardeau du temps et, par la même occasion, celui des performances que l’on exige de moi. Ma vie n’est pas quelque chose que l’on doive mesurer ; Ni le saut du cabri ni le lever du soleil ne sont des performances. Une vie humaine n’est pas non plus une performance, mais quelque chose qui grandit et cherche à atteindre la perfection. Et ce qui est parfait n’accomplit pas de performance : ce qui est parfait œuvre en état de repos. Il est absurde de prétendre que la mer soit faite pour porter des armadas ou des dauphins. Certes, elle le fait – mais en conservant sa liberté. Il est également absurde de prétendre que l’homme soit fait pour autre chose que pour vivre.  Certes, il approvisionne des machines et il écrit des livres, mais il pourrait tout aussi bien faire autre chose. L’important est qu’il fasse ce qu’il fait en toute liberté et en pleine conscience de ce que, comme tout détail de la création, il est une fin en soi. Il repose en lui-même comme une pierre sur le sable.
Je peux même m’affranchir du pouvoir de la mort. Il est vrai que je ne peux me libérer de l’idée que la mort marche sur mes talons et encore moins nier sa réalité. Mais je peux réduire à néant la menace qu’elle constitue en me dispensant d’accrocher ma vie à des points d’appui aussi précaires que le temps et la gloire. »

Stig Dagerman, Le besoin de consolation de l'homme est impossible à rassasier

Photo : Homme en habit de robot réussissant à garder un pied (seule partie nette de son corps sur le cliché) sur Terre pour ne pas perdre sa v(o)ie. Tournant le dos à la cacophonie inutile de ses cris de douleur matérialisés par des tags sur les formes disharmonieuses d'un système qui tente de le mettre aux fers , il part à la rencontre de son humanité propre.